Auteur:
Sara Adam, Corporate Consultant chez Group Casier, s.adam@casier.be
« Il n’existe pas de produit véritablement circulaire » : voici la conviction du concepteur de produits Dries Laperre. Pour lui, la circularité est plutôt une façon de penser, une stratégie pour arriver à un produit. « Mais ce n’est pas la seule stratégie. Désormais, nous savons que pour avoir un bon produit, il doit être durable au sens le plus large du terme. »
Dries Laperre a enseigné pendant vingt ans à Howest, la haute école de Flandre occidentale. Il a contribué à y lancer la formation en conception de produits industriels et a guidé des générations d’étudiants dans leur processus de conception et d’innovation. « Avec ma collègue conceptrice de produits Laura Willems, nous avons également organisé des séances de brainstorming pour les entreprises à partir de 2016. Au cours de ces sessions, nous donnions notre avis sur le processus de création. Lorsque nous rappelions ces entreprises quelques mois plus tard, il s’avérait souvent que par manque de temps et de connaissances, les idées évoquées durant la session n’avaient pas été mises en pratique. Laura et moi voulions faire changer les choses, nous avons donc créé Surplace en août 2020. »
Dries Laperre : « Nous aidons les entreprises manufacturières à explorer tout le potentiel de l’innovation produit. Nous nous concentrons sur le produit et partons de l’entreprise. En tant que concepteurs de produits, nous le faisons au début du processus, ce qui nous permet d’être plus créatifs : dans cette phase, tout est permis. Ensuite, nous fournissons des concepts réfléchis, avec les pieds sur terre. L’élaboration du produit et la production elle-même reviennent à l’entreprise ou sont confiées à un partenaire. Nous nous concentrons sur la définition du problème et la recherche d’une solution abstraite et stratégique. Ce qui nous rend uniques, c’est que nous le faisons au sein de l’entreprise et avec elle. En tant qu’experts de la méthodologie de l’innovation, nous travaillons en étroite collaboration avec tous les experts de l’entreprise. Dans un laps de temps relativement court, cela permet de faire émerger des idées surprenantes et très concrètes. Nous proposons les solutions et les rendons concrètes grâce à des prototypes rapides, afin que l’entreprise puisse les comparer et faire les bons choix en toute connaissance de cause. »
« Surplace fait référence à deux caractéristiques fondamentales de notre approche : nous nous rendons sur place et nous prenons le temps de nous arrêter avec le client pour avoir une vue d’ensemble de la situation. En allant dans l’entreprise, nous voyons mieux ce qui se passe en coulisses. Cela nous donne une idée de la culture et de la stratégie d’une entreprise. À cet égard, ce que nous faisons va au-delà de la simple fourniture de concepts pour l’innovation produit. Nous modernisons également des choses comme la culture d’entreprise et aidons à fixer les priorités. Nous ne cherchons pas les solutions par les voies les plus logiques, car les collaborateurs de l’entreprise le font déjà. En tant que personnes extérieures, nous voyons et faisons les choses autrement. Ce faisant, nous introduisons une approche différente et neuve dans une entreprise : nous examinons comment l’innovation est généralement abordée, puis nous choisissons délibérément une stratégie différente, souvent diamétralement opposée. »
« Nous remettons toujours en question l’ensemble du processus de production et testons des solutions circulaires. Un bon exemple de circularité est l’innovation que nous avons mise au point avec une entreprise locale de transformation du lin pour la paille de lin, l’un de ses flux de déchets. Il s’agit d’un résidu ligneux autour de la fibre de lin. Chaque jour, l’entreprise remplit plusieurs conteneurs avec ces résidus. Ils doivent être collectés par un partenaire externe. Si la collecte n’est pas réalisée à temps, cela bloque l’ensemble du processus de production. L’entreprise est donc extrêmement dépendante des parties externes, ce qui constitue une menace. En concertation avec l’entreprise, nous avons défini ce que nous pouvions faire avec les résidus. Finalement, nous avons décidé de jouer la carte du bioplastique. En soi, cela n’a rien de nouveau, mais nous allons au-delà de la réflexion traditionnelle. Aujourd’hui, la paille de lin est notamment utilisée comme matière de remplissage ; nous avons inversé le concept et utilisé la paille de lin comme matériau. Nous ajoutons autour un minimum de plastique biodégradable, et nous visons un label OK Home Compost pour ce nouveau composite. Cela réduira considérablement le flux de déchets et rendra l’entreprise moins dépendante des parties externes. Proposer une solution créative est notre point fort, mais pour de nombreuses entreprises, il n’est pas si évident de penser à ce genre de choses. »
« Bien entendu, la technologie va encore beaucoup évoluer et je suis convaincu que les constructeurs de machines peuvent désormais jouer un rôle important dans les nouveaux flux de matériaux et les nouveaux souhaits des entreprises et des consommateurs. L’industrie 4.0 peut aller de pair avec une évolution circulaire. La mesure et l’optimisation des flux de déchets jouent un rôle important à cet égard. Il serait possible de mettre en place une plateforme numérique sur laquelle les entreprises pourraient rechercher des synergies avec d’autres entreprises pour l’utilisation de leurs flux de déchets. En tout cas, je perçois une évolution positive. Nous voyons davantage ce qui se passe en coulisses et constatons qu’il existe déjà de nombreuses nouvelles applications. »
« Selon moi, il n’existe pas de produit véritablement circulaire. La circularité est pour moi plutôt une façon de penser, une stratégie pour arriver à un produit. Mais ce n’est pas la seule stratégie. Désormais, nous savons que pour avoir un bon produit, il doit être durable au sens le plus large du terme. Développement durable et circularité sont deux concepts différents mais doivent aller de pair. Je constate que le mot « circularité » est parfois utilisé de façon abusive. Pour certains, c’est du marketing, bien que le gouvernement prenne des mesures pour contrer ce phénomène. Dans une certaine mesure, il s’agit d’une concurrence déloyale. Espérons que cela changera à l’avenir. Il faudrait mettre davantage l’accent sur la conception du produit afin de lui donner une durée de vie aussi longue que possible et de le rendre aussi facile que possible à recycler au final. »
« Notre objectif est de concevoir des produits qui, en plus d’avoir une valeur économique pour l’entreprise, ont aussi une valeur ajoutée pour la société. Nous pensons également à la nécessité d’un produit. S’il n’y a pas de demande, vous ne devez pas le développer et le commercialiser. Nous voulons également rendre les utilisateurs plus conscients de leurs achats. Acheter sans cesse de nouvelles choses n’est pas une solution durable. C’est ce qui aura le plus d’impact sur l’économie circulaire : dès qu’il y aura un marché pour le circulaire, les entreprises s’y intéresseront. C’est une sorte d’effet boule de neige, dans un sens positif. »
« Certains sont déjà plus engagés dans la circularité et le développement durable que d’autres, mais par rapport à il y a dix ans, on remarque qu’il y a déjà un changement dans la bonne direction. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être complaisants, chaque pas en avant est un pas dans la bonne direction. Pointer du doigt le consommateur n’est pas non plus le bon moyen de stimuler l’économie circulaire. Il est préférable d’aborder ce changement de manière un peu plus lente mais durable que de prendre des décisions hâtives qui causent souvent plus de mal que de bien. Pour moi, la sensibilisation des consommateurs et des entreprises et la réglementation des pouvoirs publics sont les clés pour faire de la circularité une réussite à long terme. »
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