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Bart Proot
agence de design et de développement de produits Shells&Skins

Photographe:

Shells&Skins

Auteur:

Casier-SaraZwW
« Vers une chaîne d’approvisionnement courte et simple, proche du consommateur »
« Vers une chaîne d’approvisionnement courte et simple, proche du consommateur »

« La responsabilité du producteur est également de reprendre chaque produit qu’il commercialise pour le réutiliser ou le recycler. » C’est ainsi que Bart Proot, fondateur et gérant de Shells&Skins et de RedStars, résume la circularité en une phrase.  « Je pense qu’il est temps de commencer à concevoir et à produire de manière circulaire. »

Bart Proot dirige depuis onze ans Shells&Skins, une agence spécialisée dans la conception et le développement de soft goods. Il s’agit notamment de valises, sacs à dos, sacs (à main), linge de lit, serviettes… En bref, des produits fabriqués à base de textile. « Le nom Shells&Skins vient de l’appellation anglaise des valises rigides (Shells) et des valises souples (Skins) », explique Bart Proot. « La COVID-19 nous a forcés à changer de cap. Il y a un an et demi, le marché des bagages s’est effondré. Heureusement, nous étions en partie préparés à cette situation et nous avons commencé à utiliser notre savoir-faire pour fabriquer des masques sous la marque RedStars. C’était un premier pas vers la durabilité, car nous avons appliqué la technique du tricotage 3D. Nos masques ont reçu un accueil très positif. Au salon Textirama 2021, nous avons même remporté le prix de la meilleure innovation avec ce produit. »

Qu’est-ce que le tricotage 3D ?

Bart Proot : « Le tricotage 3D ou 3D-knitting est effectué sur une machine de pointe entièrement automatisée. Nos produits sont fabriqués en une seule étape à partir d’un seul type de matière. Cela nous permet d’utiliser le broyeur en fin de vie pour récupérer le fil et fabriquer de nouveaux produits. C’est ainsi que nous bouclons la boucle. Le tricotage 3D permet aussi de ne pas gaspiller un seul fil. Les masques, par exemple, sont tricotés à partir d’une seule pièce, et ne sont donc pas découpés dans un rouleau de textile. »

Bart Proot, agence de design et de développement de produits Shells&Skins
Le tricotage 3D peut-il aussi être utilisé pour d’autres soft goods ?

« Certainement. La production de sacs et de sacs à dos est aujourd’hui très linéaire. Un sac à main, par exemple, est parfois composé de trente matières différentes. Le désassemblage et le tri d’un tel produit à la fin de sa vie représentent une dépense immense. 90 % des sacs et des sacs à dos finissent à la poubelle. C’est pourquoi avec RedStars, en plus des masques, nous avons maintenant lancé un sac écologique. »

« De plus en plus de producteurs souhaitent ramener leur production en Belgique, au plus près possible du consommateur. »
Bart Proot
D’où provient votre fil ?

« Actuellement, il vient encore de Chine. Pour moi, entreprendre de manière durable consiste à aller pas à pas vers l’économie circulaire. Lors du lancement du sac écologique, l’accent a été mis sur notre principe de base : 1 matière (PET recyclé), 1 modèle (tricoté et donc sans aucun déchet) et 1 minute de confection/assemblage. En gardant cet objectif à l’esprit, j’ai pu rapidement lancer les sacs sur le marché. Cela nous a également permis de mettre en place le processus de reprise et de recyclage. Étape par étape, nous essayons maintenant de réduire la taille du cercle. En l’occurrence, en nous rapprochant géographiquement. Les premiers sacs que nous avons fabriqués étaient entièrement tricotés et confectionnés en Chine. L’étape suivante a consisté à rapatrier la confection en Belgique. Le principe de la confection en 1 minute a été crucial à cet égard. L’étape finale sera de ramener le tricotage 3D en Europe également. »

Où est réalisée la confection ?

« Bien entendu, RedStars possède une boutique en ligne. Par ailleurs, nos produits sont également disponibles dans 65 points de vente physiques. Pour nos masques, nous collaborons avec MediaMarkt et un réseau de pharmaciens. Nos masques offrent de nombreux avantages. Pour les expliquer, il faut qu’une personne soit disponible dans le point de vente. En cela, nous avons trouvé une adéquation parfaite avec les pharmaciens. »

Que deviennent les sacs en fin de vie ?

« Un consommateur qui ne veut plus de son sac peut le vendre d’occasion ou, grâce à une étiquette de retour, nous renvoyer le sac gratuitement ou le ramener lui-même au magasin où il l’a acheté. En Flandre, nous avons mis en place une collaboration avec De Kringwinkel. Si le sac est encore en bon état, il est nettoyé et vendu par leur intermédiaire. Si le sac est usé, il est recyclé dans les règles de l’art. Pour cela, nous sommes en pourparlers avec des entreprises spécialisées qui disposent de tout le savoir-faire pour séparer et recycler le textile en fil neuf. »

Selon vous, quelles innovations circulaires sont amenées à percer ?

« Je pense qu’aujourd’hui est le bon moment pour commencer à concevoir et à produire de manière circulaire. Je parle ici surtout des produits textiles. Beaucoup de ces produits sont fabriqués en Extrême-Orient. Mais nous constatons une nette volonté de réduire la dépendance vis-à-vis de cette région. Le coronavirus nous a démontré une fois de plus que la flexibilité est cruciale pour réagir rapidement sur le marché. Si vos marchandises sont en mer pendant cinq semaines et que vous êtes obligé de constituer des stocks importants, vous êtes aujourd’hui extrêmement vulnérable. De plus, nous sommes maintenant confrontés à des coûts de transport incroyablement élevés. Ils ont été multipliés par dix en un rien de temps. Je connais des clients qui ont vu leurs marges partir en fumée. Sans parler de l’empreinte écologique.

Notre industrie se bat pour ramener la production vers l’Ouest, au plus près possible du consommateur.  C’est d’ailleurs dans cette optique qu’avec un investisseur, nous allons créer une deuxième entreprise :  Back-2-Belgium. Nous voulons ainsi aider le secteur textile à rapatrier la production en Belgique. Nous les aiderons à revoir la conception de leurs produits, à trouver les bons matériaux et à assurer le suivi de la confection afin que le circuit soit plus court et plus proche. Deux éléments importants pour la réussite d’un modèle circulaire. Après tout, la circularité commence par la chaîne d’approvisionnement. Plus elle est courte, plus elle est simple et plus vite les producteurs peuvent prendre leurs responsabilités en reprenant leurs produits pour qu’ils soient recyclés ou réutilisés. »

À votre avis, cette évolution affectera-t-elle également le marché des matériaux ?

« Un produit de consommation représente désormais deux coûts majeurs : le coût du matériau et le coût de la main-d’œuvre.  Dès que la production arrive en Belgique, le coût élevé de la main-d’œuvre nous oblige à développer de nouvelles techniques de production pour maintenir ce coût au plus bas. La conséquence logique est que les matériaux que nous utiliserons seront plus perfectionnés et plus durables. Ils auront également plus de valeur, ce qui fait que les consommateurs ne se contenteront pas de les jeter, mais penseront à les réutiliser et/ou à les recycler. Nous allons donc évoluer vers un nouveau marché des matériaux. »

Qu’est-ce qui pourrait éventuellement entraver ou compliquer ce processus ?

« Les producteurs de matériaux en Europe se tournent actuellement encore vers les très gros acheteurs. Les petites entreprises qui commencent à travailler de manière circulaire (principalement les start-ups) n’ont pas besoin de quantités aussi importantes. Pour elles, il est difficile de commander quelques mètres seulement si le fournisseur prévoit un achat minimum d’une tonne. Il faut donc encore que cela change. Mais je suis convaincu que cela va fonctionner. »

Quels sont vos projets à venir avec RedStars ?

« Nous allons bientôt élargir encore notre collection. La majorité de la production sera localisée en Belgique et sera 100 % recyclable ou réutilisable. Mais cette fois, nous allons également proposer des services pour être encore plus circulaires. Là encore, un concept tout à fait unique. »

Comment abordez-vous le marketing ?

« Nous investissons dans des études pour savoir dans quelle mesure le consommateur est prêt à payer plus pour cela. C’est encore une question à laquelle très peu de personnes peuvent répondre. Nous savons toutefois que si nous avons l’occasion d’expliquer l’histoire circulaire qui se cache derrière le produit, tout le monde est convaincu et le prix n’est plus un problème. Avec les sacs, nous avons également remarqué que le “toucher” est important. Quand le consommateur touche le sac, il sent immédiatement qu’il a de la qualité entre les mains. Si nous voulons convaincre le consommateur, nous devons être capables de présenter le produit et l’histoire. Le label “Back-2 Belgium” peut y contribuer, car il nous permet d’estampiller le produit comme étant circulaire. »

Comment envisagez-vous l’avenir ?

« Avec beaucoup d’optimisme ! Il y a quelques semaines, j’ai donné une conférence sur l’entrepreneuriat durable dans une école secondaire. J’y ai vu les “consommateurs de demain” qui comprennent l’histoire du développement durable. J’espère donc que dans le domaine de l’enseignement également, on mettra de plus en plus en avant les initiatives et le commerce durables. »

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